Janis Bryant : wardrobe for Mad Men

En qualité de costumière sur le tournage de “Mad Men”, vous êtes un peu comme une artiste peintre. En fonction des couleurs et des matières que portent les acteurs et les actrices de la série, vous donnez en quelque sorte des indications essentielles, des clés, sur leurs traits de caractères. Une forme de communication non verbale…

Mon travail de “costume designer” peut effectivement être associé à celui d’un peintre. Chaque personnage a une histoire différente à raconter et pour bien la dissocier des autres cela passe par des tenues ou des couleurs variées. C’est une sorte de signalétique : Joan, par exemple, incarne la force, l’autorité dans le bureau. Pour faire apparaître ses qualités de femme dominante, j’ai opté pour des couleurs qui tranchent, qui brillent, que l’on repère immédiatement. Peggy est un personnage plus complexe, car variable. J’ai choisi pour elle des tweeds différents. On est beaucoup moins dans l’ostentatoire !

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Betty Draper, elle, représente la perfection. Mais c’est aussi un personnage qui est changeant et cela se remarque dans sa façon de s’habiller. La palette de Betty est très sophistiquée et plutôt axée sur des teintes froides, grises, bleues, blanches. Quand elle porte des couleurs chaudes, vives, c’est qu’elle est heureuse, épanouie ! Don Draper a lui une dimension mystérieuse. Il a des choses à se reprocher et souhaite se fondre dans la masse pour passer inaperçu. Ses costumes sont discrets comparés à ceux de Sterling. Sterling, c’est le paon. Il est riche, issu d’une vieille famille de notables new-yorkais. Il aime se pâmer, montrer qu’il a réussi et qu’il est puissant. Ce message, il adore le véhiculer par sa façon de s’habiller. Tout dans l’arrogance, dans la flamboyance, dans la suffisance !

D’où proviennent les merveilleux costumes que portent les acteurs et actrices de “Mad Men” ?

Chaque saison de la série est différente. Le cahier des charges est très variable. Il y a des vêtements que nous fabriquons de toute pièce, et d’autres que nous louons simplement. Los Angeles regorge de boutiques où vous pouvez dénicher des vêtements vintage et dans un état de conservation incroyable ! On a parfois le sentiment qu’ils viennent juste d’être fabriqués ! Il m’arrive aussi d’acheter des pièces que j’estime indispensables pour la série. Des modèles uniques dont je sais que je ferai bon usage. Je retaille certains vêtements des années 50 ou 60, en fonction de l’histoire, de l’épisode que nous allons tourner et de la personne qui va les porter. Il faut que la communion de tous ces éléments soit parfaite !

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Vous vous documentez également ?

Je compile, je classe des tonnes d’informations. Je regarde, par exemple de vieilles pubs dans les journaux de l’époque : les catalogues de Sears, Montgomery Wards, J.C. Penney, Spiegel sont de vraies sources d’inspiration pour moi. Comme tout le monde, je suis conditionnée par la beauté des “glam-girl” du cinéma américain. Dans la série, Joan est un condensé de Marilyn Monroe, Jayne Mansfield et Sophia Loren. Quand vous regardez Betty Draper, je songe immédiatement à Grace Kelly, mais aussi à ma grand-mère qui a toujours été, à mes yeux, un exemple à suivre en matière de mode !

Avez-vous une petite idée du nombre de vêtements, chapeaux, chaussures, accessoires que vous avez stocké dans le studio de “Mad Men” ?

Oh la la, des milliers d’articles je dirais ! Pour les acteurs et actrices principaux, il faut compter 75 costumes par épisode. Pour les seconds rôles, les figurants… vous devez ajouter 200 costumes.

On vous sent très soucieuse du moindre détail !

Je le suis ! Lorsqu’une caméra filme, je veux qu’on ait l’impression de remonter dans le temps. Pour cela, les décorateurs et les costume designers ont une grosse responsabilité ! Ce sont eux qui vont vous permettre de faire ce voyage, ce rétro-pédalage spatio-temporel. Il est donc vital de ne pas faire de faux pas. Chaque plan doit être irréprochable, sous prétexte que le figurant qui marche derrière Jon Hamm est à 20 mètres, vous ne pouvez pas lui faire porter une paire de Nike ou quelque chose d’anachronique en vous disant “personne n’y prêtera attention”.

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La série “Sex and the City” avait initié avant vous l’importance du look, de l’apparence physique au point de devenir une référence dans l’univers de la mode. Pensez-vous que “Mad Men” ait le même impact ?

Je suis une fan inconditionnelle de Patricia Fields (la costumière de “Sex and The City”). Je pense qu’elle a fait un travail fantastique pour cette série qui l’est tout autant. Mais “Mad Men” ne traite pas de la même période que S&C et pour être parfaitement honnête, notre série privilégie l’histoire des personnages avant de privilégier leur look. Il s’avère qu’au fil des épisodes les vêtements portés par nos acteurs sont devenus des “vedettes” à part entière. Ils ont commencé à avoir leur propre vie et nous nous sommes retrouvés dépassés d’ailleurs par un tel succès !

Comment définiriez-vous le style “Mad Men” ?

Pour les hommes ce sont des vestes cintrées, ajustées au millimètre près, sans faux plis. Il n’y a pas de place pour l’improvisation dans le style de Don Draper. Le style négligé, ce n’est pas le style de la maison ! (rires). Don porte un costume qui épouse ses formes avec deux boutons au niveau de la veste. Le revers n’est pas large, pas trop évasé pour donner une impression de plus grande carrure ! La cravate – très mince – permet aussi d’amincir le look dans son ensemble. Très important aussi : les chemises avec un revers aux manches à la française et les boutons de manchette. Vous avez aussi l’incontournable chapeau Fedora – car un homme sans chapeau en ces temps-là se sentait un peu nu. J’ajouterai enfin le trench coat et des chaussures en cuir tellement bien cirées que l’on pourrait se mirer dedans !

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Frank Rousseau

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