L’artiste Lynda Aguilar expose son oeuvre «Déshérence» à l’Unesco

En ce jour de Pâques et de Pessah, nous voulions mettre en avant le travail de cette artiste plasticienne à travers cette  superbe pièce en bronze et taxidermie, exposée à l’Unesco le 19 mars 2018, lors de la soirée « Déployez nos Elles »,  sur l’Empowerment et les droits des femmes.

Lynda Aguilar s’interroge sur ces moments où tout bascule, entre espoir et désillusion. Trois notions se manifestent dans son travail : son rapport à la temporalité, qui invoque parfois une urgence ou un cri, son rapport à l’espace et plus précisément à l’échelle utilisée et enfin ce sentiment de perte entre espoir et fatalité, face à un état de fait. « Ces moments, me semblent s’être démultipliés dans un monde qui me paraît en état d’instabilité permanente, où tout s’accélère, où n’importe quel fait divers est relayé à grande échelle par les média sociaux. Ce sentiment de sérénité avant la bascule m’apaise. J’aimerais le figer mais il me paraît si précaire que je suis finalement envahie par la peur de le perdre. Cela développe alors en moi un sentiment de vide, une sensation de chute, une forme de déterminisme, mêlés à une envie de repartir, de reconstruire, de ne pas renoncer. Je cherche à les retranscrire, à les exprimer »,  nous confie-t-elle.

« Ce qui m’intéresse c’est le processus mental, qui fait que l’homme accepte une situation qui peut le mener à sa perte, sa perte de liberté ou sa perte de valeurs.

Une image, tel un flash très précis, issue la plupart du temps d’une rencontre ou d’une actualité, constitue ma matière première. Je la retranscris et aussitôt la façonne sous plusieurs angles de lecture. L’objectif, toujours le même, vise une scène où les codes et les conventions d’usage sont détournés en jouant sur les supports, les matières et les référents pour en établir une nouvelle perception. 
Les matériaux utilisés, qu’ils soient froids ou fragiles (marbre, métal, verre) et les symboles permettent une distanciation nécessaire à la réflexion et propice a l’emergence d’un questionnement existentiel: est-ce une croyance que nous nous appliquons lorsque que nous pensons vivre en paix ? Est-ce une représentation ou une réalité ? L’ambigüité soulevée se retrouve aussi dans mes œuvres grâce à un amalgame des pensées et des référents.

Ces œuvres confortent l’idée qu’il suffit de peu pour renverser l’équilibre d’une région et laisser place à des tragédies sans nom. Ce que nous ont transmis nos parents, ce pour quoi ils se sont parfois battus nous paraît comme acquis, voire même inné après plus d’un demi siècle sans guerre. Pourtant chaque jour me paraît comme une nouvelle mutation : un effort de paix dans tel endroit du monde, puis une précipitation dans le néant dans un autre. Tout cela sur fond de progrès social, économique et technologique qui, en fin de compte me laisse perplexe quant aux perspectives réelles de dialogue, d’enrichissement social, spirituel, de respect et de liberté. »  poursuit-elle.

Eva Benhamou, Directrice de la publication de Firstluxe, aux côtés de l’oeuvre « Déshérence » à l’Unesco.

«  Mon grand père a participé à la seconde guerre mondiale, au « débarquement » puis à la guerre d’Algérie et enfin au maintien de la paix en Allemagne de l’Ouest. Son père, mon arrière grand-père, était un « poilu ». C’était une famille de réfugiés espagnols ayant fui le régime de Franco pour trouver une terre de paix. L’un est devenu retraité réserviste appelé à combattre sur le même terrain que son fils, l’autre a été fait prisonnier de guerre un temps, puis libéré, il a servi son pays toute sa vie. Un autre de mes arrières grands-pères, lui, était guide d’officiers anglais en Palestine sous mandat Britannique. Il devint un héros local, lorsqu’il parvint à sauver des officiers capturés par les rebelles du sud du pays. Ces histoires de guerre, de combat pour la liberté ou pour l’indépendance ont jalonné ma vie et j’ai pris conscience très tôt que la sérénité d’une société n’allait pas de soi. N’ayant jamais connu la guerre, j’aurais dû être marquée par l’insouciance, mais c’est l’inquiétude qui m’habite face à la fragilité et la précarité de la paix. Cette instabilité ou insécurité questionne mon travail : quelles sont les ressources de l’humanité pour s’affranchir des conflits ? A travers les vestiges de l’histoire jusqu’aux préoccupations du moment, ma conscience s’est accrue, libérant une « surconscience » du monde. »

Et de conclure..

« Cette œuvre  Déshérence représente toute la difficulté à réaliser la libération du poids des traditions culturelles, comme si nos coeurs pusillanimes et craintifs redoutaient cette émancipation. »

Sa prochaine exposition aura lieu, en novembre 2018,  lors des 70 ans de la Déclaration Internationale des Droits de l’Homme à l’Unesco. Madame l’Ambassadrice lui a en effet demandé d’exposer une nouvelle oeuvre pour cet événement très attendu. A suivre  …

Infos www.lynda-aguilar.com

 

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