Chambord accueille une exposition d’exception consacrée à Georges Pompidou

Le Centre Pompidou, célèbre ses 40 ans en proposant notamment jusqu’au 19 novembre 2017, dans les murs du Château de Chambord, une exposition consacrée à celui qui fut à l’origine de sa création, le Président Georges Pompidou. Celui-ci vint à maintes reprises dans un château qui conjuguait son amour de l’architecture et sa pratique de la chasse. Ce n’est cependant pas à la figure historique ou politique que s’attachera l’exposition, mais à son engagement pour l’art de son temps.

De l’achat de La Femme 100 têtes de Max Ernst en 1930 à celui d’un portrait de Jacques Villon quelques jours avant sa mort en 1974, Georges Pompidou a en effet passionnément regardé, collectionné et accroché chez lui, puis à Matignon et à l’Elysée, les grands artistes modernes, mais également ceux des avant-gardes des années 50 à 70. Reprenant les choix opérés par l’ancien Président de la République, l’exposition rassemble les artistes présents dans sa collection ou mis à l’honneur dans les lieux de pouvoir, selon un véritable précipité de trois décennies de peinture française. Elle montre la pertinence, et parfois l’audace, de l’oeil de Pompidou, dont la diversité et la liberté sont d’autant plus manifestes aujourd’hui.

Ce sont ainsi près de 90 oeuvres (tableaux, dessins, sculptures), dont le fameux salon Paulin de l’Elysée, qui sont montrées sous les voûtes à caissons de Chambord. Tirées des collections du Centre Pompidou et de prêteurs privés, dont celle d’Alain Pompidou, ces pièces très rarement vues forment un ensemble exceptionnel, faisant de cette exposition la plus importante jamais réalisée à Chambord.

Pompidou et l’art, l’histoire d’une passion

Rien ne prédisposait Georges Pompidou à sa destinée exceptionnelle ou à la passion de l’art contemporain. Ni sa naissance en 1911 à Montboudif dans un petit bourg du Cantal, ni son origine sociale : des parents d’origine mo- deste, hussards noirs de la République, dont un père jaurésien qui deviendra ensuite professeur d’espagnol.

Il montre dès l’école primaire des facultés d’apprentissage hors norme : élève étincelant, doté d’une mémoire exceptionnelle, il fait une scolarité brillante qui le mène en classes préparatoires à Toulouse. Il intègre ensuite en khâgne le lycée Louis-le-Grand à Paris et c’est en flânant dans le quartier Saint Michel qu’il va faire sa première acquisition artistique, devenue mythique dans la construction a posteriori du portrait du jeune dandy en amateur d’art : celle de La Femme 100 têtes de Max Ernst, révélatrice d’une sensibilité à l’es- thétique surréaliste qui marque l’origine de sa carrière de «regardeur». Il faudra cependant attendre l’après-guerre pour que Georges Pompidou achète la toute première toile de sa collection, une oeuvre de Youla Chapoval, artiste russe de la seconde école de Paris.

Entretemps, le jeune normalien agrégé de lettres aura convolé en justes noces avec Claude Cahour, enseigné quelques années à Mar- seille avant de devenir professeur de lettres au lycée Henri IV, où il passera la guerre une fois démobilisé.

Dans l’entretien accordé pour le catalogue de l’exposition, son fils Alain revient sur la période de l’après-guerre : «ils ont alors davantage de temps (Georges Pompidou a en effet quitté ses fonctions auprès du Général De Gaulle après le départ de celui-ci) et décident de fréquenter les antiquaires, notamment ceux du marché suisse, qui était à deux pas de chez eux. Ils arrangent ainsi leur appartement de la rue Hérédia avec du mobilier XVIIIe, peu onéreux à l’époque, et commencent à fréquenter quelques galeries du quartier, dont celle de Jeanne Bucher.»

Etienne HAJDU (István Hajdu, dit) (1907 –1996) Georges Pompidou, 1953-1954 Bronze 36 x 22 x 27 cm Collection Alain Pompidou Crédit photo : © David Bordes © Adagp, Paris, 2017
Etienne HAJDU (István Hajdu, dit) (1907 –1996)
Georges Pompidou, 1953-1954
Bronze
36 x 22 x 27 cm
Collection Alain Pompidou
Crédit photo : © David Bordes
© Adagp, Paris, 2017

Plusieurs achats ont lieu à cette époque-là, des œuvres encore modestes d’artistes aujourd’hui oubliés ; Claude Pompidou évoquera avec une ironie amusée ce moment de leur vie en affirmant notamment : «Ce Svanberg, c’est le premier que nous ayons acheté ensemble, c’est le premier tableau de notre collection et on pensait qu’on avait beaucoup d’audace de s’acheter un tableau. Puis après ça a suivi…». Qu’importe : le désir est là, le regard va se former progressivement grâce à Raymond Cordier, fondateur de la galerie L’Oeil qui jouera un rôle essentiel auprès du couple d’amateurs en les introduisant à nombre d’artistes contemporains, mais également à la faveur de leurs visites de plus en plus assidues aux galeristes. Jeanne Bucher donc, mais aussi la Galerie de France, Iris Clert, puis Denise René, Karl Flinker, Mathias Fels, etc.

Avec la nouvelle aisance financière que connaît dès 1953 Georges Pompidou, désormais banquier chez Rothschild, les achats deviennent plus conséquents : la collection prend alors une forme plus précise, plus audacieuse et, après les abstraits, les cinétiques (Vasarely, Cruz Diez) vont commencer à intéresser Claude et Georges Pompidou, sans doute par le truchement de Fontana et Herbin. C’est pourtant encore un grand maître de l’abstraction contemporaine que Georges Pompidou va faire entrer à Matignon lorsqu’il est nommé Premier Ministre en 1962. L’anecdote vaut d’être contée : Pompidou va avec Malraux au musée d’art moderne pour choisir une toile de Soulages de 1957, qui représente pour celui-ci «la déréliction de l’homme sans Dieu», et l’accroche derrière son bureau ; geste d’une audace à la fois esthétique et politique sans précédent, véritable manifeste que cette toile exposée aux yeux de tous ceux qui rendent visite au Premier Ministre et restent, pour beaucoup, bouche bée devant l’introduction fracassante de l’art contemporain dans le décor XVIIIe des ors fatigués de la République…

Victor VASARELY (1906 –1997) Meh (2) (Abeille), 1967-1968 Huile sur toile marouflée sur contreplaqué 180 x 180 cm Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle Don de l’artiste en 1977 Crédit photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost/ Dist.RMN-GP © Adagp, Paris, 2017
Victor VASARELY (1906 –1997)
Meh (2) (Abeille), 1967-1968
Huile sur toile marouflée sur contreplaqué
180 x 180 cm
Collection Centre Pompidou, Paris
Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle
Don de l’artiste en 1977
Crédit photo : Centre Pompidou, MNAM-CCI / Bertrand Prévost/ Dist.RMN-GP
© Adagp, Paris, 2017

Certes, le Premier Ministre Georges Pompidou assume alors des responsabilités qui réduisent à la portion congrue ses loisirs, mais il continue de visiter expositions et galeries, quitte à se faire ouvrir ces dernières dès 8 heures du matin. De Staël, Braque et Ernst font également leur entrée à Matignon, Fautrier aussi sans doute, et la collection s’enrichit de nouveaux artistes, parmi lesquels les Nou- veaux Réalistes comme Arman, Raysse, Klein, Niki de Saint Phalle et Tinguely qui vont devenir des amis du couple Pompidou, mais également Hartung, Tal Coat, Bettencourt et bientôt les tenants de ce qu’on appellera abusivement la Nouvelle Figuration (Adami, Monory, Voss, Arroyo, etc.). C’est cependant encore Fontana qui sera accroché dans les bureaux de La Tour Maubourg où s’installe Pompidou entre Matignon et l’Elysée, qu’il rejoint en 1969 lors de son élection à la tête du pays. C’est alors l’époque, plus médiatisée, du salon Paulin et du salon Agam : la France découvre, parfois avec stupéfaction, l’attrait du couple présidentiel pour une modernité audacieuse, qui enchante certains visiteurs officiels comme… la reine d’Angleterre !

Yves KLEIN (1928 –1962) Victoire de Samothrace (S9) Oeuvre créée en 1962 – Multiple posthume de 228 exemplaires, 1973 Edité par la Galerie Flinker - Paris en 1973 Pigment pur et résine synthétique sur plâtre, socle en pierre 52 x 24,5 x 24 cm Edition # 81/175 Collection Jean Gérard Bosio Crédit photo : © Banque d’images de l’Adagp © Yves Klein/Adagp, Paris, 2017

Jacques VILLEGLÉ (1926 - ) Rue de la Quintinie, 4 juillet 1972 Affiches lacérées marouflées sur toile 81 x 162 cm Collection particulière Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris Photo © Serge Veignant © Adagp, Paris, 2017
Jacques VILLEGLÉ (1926 – )
Rue de la Quintinie, 4 juillet 1972
Affiches lacérées marouflées sur toile
81 x 162 cm
Collection particulière
Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris
Photo © Serge Veignant
© Adagp, Paris, 2017
Yaacov AGAM (1928 – ) Aménagement de l'antichambre des appartements privés du Palais de l'Elysée pour le président Georges Pompidou (Salon Agam), 1972 - 1974 Laine, bois, transacryl, aluminium, peinture, dispositifs lumineux, métal, plexiglas 470 x 548 x 622 cm Collection Centre Pompidou, Paris Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle Achat par commande de l'Etat en 1971, attribution en 2000 Attribution au MNAM/Centre de création industrielle le 09/11/1976 Crédit photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde /Dist.RMN-GP © Adagp, Paris, 2017
Yaacov AGAM (1928 – )
Aménagement de l’antichambre des appartements privés du Palais de l’Elysée pour le président Georges Pompidou (Salon Agam), 1972 – 1974
Laine, bois, transacryl, aluminium, peinture, dispositifs lumineux, métal, plexiglas
470 x 548 x 622 cm
Collection Centre Pompidou, Paris
Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle
Achat par commande de l’Etat en 1971, attribution en 2000
Attribution au MNAM/Centre de création industrielle le 09/11/1976
Crédit photo : © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Jacqueline Hyde /Dist.RMN-GP
© Adagp, Paris, 2017

 

 

Si le développement de la collection privée marque alors le pas pour d’évidentes raisons tenant à la fois à la déontologie et au manque de temps, les murs de l’Elysée, notamment des appartements privés, deviennent comme autant de cimaises où se succèdent les artistes appréciés du Président et de son épouse. C’est également à cette époque, quelques semaines après sa prise de fonction, que le Président met en branle son projet qui aboutira à la création du Centre qui porte son nom en 1977 ; c’est en 1972 qu’il appelle de ses vœux une importante exposition d’art contemporain, baptisée «12 ans d’art contemporain en France (1960-1972)», qui aboutira finalement à un fiasco qui ne remet néanmoins pas en cause la farouche volonté de redonner à Paris sa place sur la scène internationale de l’art contemporain. Quelques jours même avant sa mort, le Président acquiert un petit dessin de Jacques Villon qu’il demandera à son assistante de faire encadrer… La vie de Georges Pompidou aura pris la mesure de l’art de son époque, avec une sûreté de jugement et un engagement sans faille qui confèrent à cette passion une dimension intime et ontologique.

L’occasion de ( re)visiter ce château à l’architecture extraordinaire, imaginée pour la gloire de François 1er, où flotte l’esprit de Léonard de Vinci et ses jardins à la Française.

 

« L’OEUVRE D’ART, C’EST L’ÉPÉE DE L’ARCHANGE ET IL FAUT QU’ELLE NOUS TRANSPERCE »
GEORGES POMPIDOU (1 er SEPTEMBRE 1966)

 

Domaine National de Chambord, 41250 Chambord ( A moins de 2 h de Paris, à 15 km de Blois)

02 54 50 40 00.

Jours d’ouverture : 
Le château est ouvert toute l’année, sauf le 1er janvier, le dernier lundi de janvier et le 25 décembre. Prix : 13 euros et 11 euros ( tarif réduit) . 9h – 18h
et De novembre à mars, 9h – 17h
.

Exposition Georges Pompidou et l’Art, du 18 juin au 19 novembre 2017 ( au 2 è étage du château).

 

www.chambord.org

 

 

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