Eddie Redmayne pour FirstluxeMag

Eddie Redmayne, la critique en est raide dingue. A 34 ans, cet ancien mannequin pour la marque Burberry et pour la marque de tricot Roman Yarn avait une première fois fait parler de lui en arborant un pull-over ayant pour motif des « Saucers », des cercles de différentes tailles rappelant des soucoupes volantes. Depuis, notre « Brit » a tissé des liens dans le cinéma et force est de constater que ce roux à tâches de rousseur est devenu, lui-même, un OVNI dans le Septième art.

Une sorte d’extraterrestre aux yeux doux et doté d’un physique androgyne. Remarqué dans « Les Miz » de Tom Hooper, consacré avec « The Theory of Everything », Redmayne pourrait bien à nouveau décrocher un Oscar avec « The Danish Girl », une histoire exceptionnelle mise en scène par « again » Tom Hooper. Eddie nous dit tout…

 

 

Vous incarniez dans « The Theory of Everything », l’astrophysicien Stephen Hawking de façon si saisissante que beaucoup d’entre nous avaient été stupéfait par votre performance. Par votre capacité à entrer dans la peau de quelqu’un au point de ne faire plus qu’un !  Preuve, vous avez décroché l’Oscar de meilleur acteur pour ce rôle tout en intériorisation. Aujourd’hui, vous vous lancez un nouveau challenge en interprétant Lili Elbe, une des premières transgenres de l’Histoire. Une histoire vraie. Le film s’intitule « The Danish Girl ». Il été adapté de la biographie de David Ebershoff par Tom Hooper (« Les Misérables », « Le discours d’un Roi »). Qu’avez vous découvert de vous même en vous plongeant dans ce personnage complexe ?

Quand j’ai lu le scénario, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre.  Tom (Hooper) m’a juste dit qu’il avait une très belle histoire à me faire découvrir. J’ai donc commencé à tourner une page, deux pages et puis très vite, j’ai été tellement absorbé et intrigué par ce récit que je l’ai dévoré d’un trait.  L’intrigue remonte aux années 20 et s’intéresse à la vie d’Einar Wegener que je joue et son épouse Gerda incarnée par Alicia Vikander. Tous deux illustrateurs. Un jour, la modèle de cette dernière n’est pas venue à un rendez vous. Gerda, qui devait finir une toile impérativement, demanda à son mari se de maquiller, de mettre une perruque d’enfiler ses bas, ses chaussures et sa robe pour la remplacer.

 

Au départ c’était donc une sorte de jeu…

Oui mais le jeu va très vite se transformer en une réalité bien tangible puisque Einar va se rendre compte qu’il prend plaisir à se déguiser en femme. Mieux, que cette féminité, il la ressent dans son for intérieur ! Dans chacune de ses cellules. Il veut l’exprimer, l’assumer, ne plus la cacher ! Le couple va alors passer par des étapes pas évidentes. Gerda voit en effet l’homme qu’elle aime se transformer. Lui échapper. Lui glisser entre les doigts.

Par amour, parce que c’est avant tout une superbe histoire d’amour, elle va accepter – non sans mal – ce qui saute aux yeux. Ce qui est une évidence. Einar est un transgenre.

 

Parlez nous un peu de votre préparation. Vous êtes vous documenté ?

Quand j’ai commencé à préparer le rôle, c’est à dire dès que Tom me l’a proposé, j’ai voulu rencontrer des gens dans la communauté trans. Tous avaient des histoires à me raconter. Des histoires qui parlent de courage. Le courage d’être tout simplement soit même. Le courage d’être authentique. Le courage de braver le regard des autres. C’est à dire ceux des censeurs, les « bien-pensants » et des conservateurs !

J’ai été très ému de la souffrance et de l’incompréhension dont sont souvent victimes les transgenres. Des épreuves qu’ils doivent traverser, endurer avant de pouvoir devenir eux/elles mêmes ! Dans le cas de Lili, elle le paiera de sa vie. Elle mourra en effet en 1931, des suites de sa dernière opération. Elle souhaitait qu’on lui greffe un utérus. Dans ces années, il faut savoir que ces opérations chirurgicales étaient  extrêmement complexes, voire encore au stade quasi expérimentales ! Quand j’ai commencé à lire toutes les œuvres de Lili, je me suis posé cette question essentielle : Quelles sont mes propres barrières qui m’empêchent d’être moi-même et jusqu’où pourrais je aller pour les franchir, les briser ! Dans le cadre de « The Danish Girl » c’était la partie du travail la plus intéressante mais aussi, je l’avoue la plus exigeante.

 

Je voulais évoquer la relation entre Gerda et Lili.  C’est tout à fait unique qu’elle l’aime encore, même après sa transformation. Aujourd’hui Caitlyn Jenner a été rejetée par son ex-femme. C’est devenue une sorte de paria ! Est-ce que vous pensez que ce genre de relation peu exister aujourd’hui ?

 Absolument, et j’ai l’ai vu de mes propres yeux, certains des hommes et des femmes que j’ai rencontré sont encore avec leur partenaire après leur transformation. Mais comme me l’a dit un ami, quand on « transitionne », il s’agit de se découvrir, de se dévoiler complètement ! Et pour ça, il faut faire un énorme travail sur soi. Vous vous en doutez, cela peut avoir des répercussions sur les relations avec l’entourage. Dans le film comme chez tous les couples que j’ai rencontrés où l’un des partenaires est trans, ce sont des histoires d’amour passionnées qui dépassent le genre et la sexualité. Je pense que cela va bien au delà de tout ça. C’est au fond une histoire d’âme.

 

Est-ce que votre épouse vous a aidé à préparer ce rôle ? Est-ce que vous lui avez demandé ce que ça lui faisait de vous voir en femme ?

 Il vaudrait mieux lui demander directement ! Ce que j’aime chez ma femme c’est qu’elle me soutient totalement. J’ajoute qu’elle a en plus très bon goût dans sa façon de s’habiller. Je ne pense pas pour autant m’être inspiré de sa garde-robe dans la mesure où nous ne sommes pas à la même époque que Lili. J’ai reçu le script quand on jouait « Les Misérables », au tout début de notre relation.  Celle qui allait devenir ma femme a lu le script et elle a totalement adoré. Elle a été  mon roc pendant le tournage.

 

Est-ce que vous pensez que le film va toucher les gens de tous horizons ?

 On m’a proposé le rôle quand je jouais les Miz et le débat a beaucoup évolué depuis un an, il y a encore beaucoup à faire, aux Etats Unis et dans le monde. Il y a encore beaucoup de discrimination et de violence contre ces communautés, et j’espère que le film contribuera à faire avancer le débat et à lui donner de la visibilité.

 

Traditionnellement l’identité d’une personne s’exprime à travers notre façon de nous coiffer, de nous habiller, de parler, d’interagir avec son environnement, de bouger, d’occuper l’espace, etc Bref,  il y a tellement de moyens. On se demandait du coup, en dehors de l’aspect sexualité, à quel moment de vie vous avez trouvé votre propre identité ? A quel moment est-ce que vous vous êtes senti à l’aise avec vous-même ?

Personnellement, je ne pense pas encore y être arrivé ! (rires).  D’autre part je pense que la vraie question qu’il faudrait plutôt se poser c’est « Est-il est possible d’être un jour complètement à l’aise avec soi-même ? ».  Pour moi, la vie est une question d’ambition. Je jouais, il y a quelques années, une pièce à Broadway. Le personnage que j’incarnais s’appelait Dan Rice. C’est un artiste, qui à un moment dans la pièce écrit cette chose très juste à propos de l’art : « L’art n’est pas une question de talent mais plutôt une quête de la perfection tout en sachant qu’elle ne sera jamais atteinte ! ».  C’est un peu mon mantra dans la vie. Maintenant et en ce qui concerne la totale confiance en soi, je pense que c’est une quête qui vaut la peine d’être poursuivie.

 

Parlez nous un peu de votre part de votre féminité car nous en avons tous une n’est ce pas ?

C’est amusant parce que tout le monde en ce moment me pose ce genre de questions ! (rires). Déjà, il faut que je vous dise une chose. Je ne cloisonne pas le monde. Je ne le vois pas en le compartimentant. Je ne me dis plus, il y a des hommes d’un côté et des femmes de l’autre, non, il y a tout simplement des êtres humains qui doivent vivre en toute égalité ! L’idée, par exemple, que tel métier ou tel sport ne peut être pratiqué que par des mâles, je trouve cela « antique », dépassé ! Et réciproquement ! Le plus important c’est que vous soyez heureux et épanoui. Prenez la couleur de la chambre de bébé, pourquoi doit elle être nécessairement bleue quand c’est un garçon ou rose quand c’est une fille ? Pourquoi un petit garçon n’aurait il pas le droit de jouer à la poupée et une fillette avec des voitures ? Pour la petite anecdote, ce n’est pas la première fois que je joue l’ambiguité. En 2004, j’ai incarné Viola face à Mark Rylance dans « Twelfth Night ». C’était mon premier rôle en tant que pro. Je jouais un homme qui se déguisait en femme face à une femme qui se déguisait en homme ! Je suis sûr qu’en faisant des recherches sur moi, ça a « parlé » à Tom ! (rires).

 

Vous avez des traits extrêmement fins…

Oui ! Je suis la copie conforme de ma mère ! Un clone ! Ma part féminine vient d’elle ! C’est indéniable !

 

Il y a cette scène dans le film où l’on voit votre personnage face à un miroir, coincé son pénis entre ses cuisses afin de s’imaginer, de se projeter en femme. Pas trop dur à tourner ?

Ce n’était pas la scène la plus difficile à mettre en boîte ! C’était déjà une scène tournée dans l’intimité. Comme il n’y avait pas trente techniciens sur le plateau, je ne me sentais pas donc vraiment exposé ! Non, pour moi, la scène la plus dure a tourné et celle où l’on voit Lili passer des rayons X, des radiations pour essayer de « détruire » ce que certains docteurs perçoivent comme une anomalie congénitale ! Quelle horreur. J’ai d’ailleurs tourné cette scène le lendemain des Oscars !

 

Vous fondez à vue d’œil dans le film, comment avez vous fait pour perdre autant de poids ?

 Je me suis préparé pour ce film pendant que je faisais la promo de « The Theory of Everything ». Beaucoup d’adrénaline ont été utilisé pendant ce laps de temps Le fait est que dans le script, à un moment crucial où il est question de la fragilité de Lili et je voulais vraiment le faire transparaitre à l’image. Je me suis donc mis au régime sec. En même temps c’était un dilemme intéressant pour les départements costumes et maquillage parce que les costumiers voulaient que je perde le plus de poids possible et les maquilleurs ne voulaient pas que j’en perde trop pour que mes traits ne ressortent pas trop ! (rires). Il a fallu trouver un juste milieu. Un compromis !

 

Il semblerait que vous soyez tombé amoureux de Copenhague, qu’est-ce que ça vous fait d’être non seulement une fille, mais plus précisément une fille danoise ?

 (éclat de rire). J’adore que vous ayez employé le mot « amoureux » pour Copenhague, parce que c’est le cas, et le lien entre mes deux derniers films. James Marsh qui a réalisé « The Theory of Everything » vit à Copenhague, il est marié à une Danoise. J’ai travaillé avec lui pendant quelques semaines à l’écriture du film, à Copenhague, il y a de ça un ou deux ans, et puis après le premier tournage nous sommes bien sûr revenus. L’équipe est super. Nous séjournions dans un magnifique immeuble à coté de l’Opéra. J’ai adoré cette ville et l’équipe de tournage, tout était merveilleux.

 

L’année dernière vous avez raflé tous les prix, trophées, awards possibles pour « The Theory of Everything ». Avez vous ressenti la pression ?

 Ce qui est intéressant, c’est qu’apparemment les gens pensent que je ne recherche que des rôles de transformations, et c’est parce que que j’ai joué Stephen Hawking que j’ai décroche ce rôle dans « The Danish Girl ». Mais j’ai accepté ce script bien avant de savoir que j’allais tourner « The Theory of Everything » !!! Bref, c’était important pour moi de parfaitement jouer Lili, parce que tous les gens que j’ai rencontrés et qui m’ont raconté leurs histoires je ne peux pas sous-estimer la générosité et la transparence dont ils ont fait preuve avec moi. Maintenant, c’est vrai que je ressens un peu la pression. Forcément, on dit « What’s next ? »

 

Que faites vous pour décompresser alors ?

Dès que j’ai fini le tournage de « The Danish girl », avec ma femme, nous nous sommes envolés pour les Maldives. C’était le Paradis sur Terre. Nous avions coupé nos téléphones, laissés nos ordi. Un vrai break. Je n’avais jamais plongé dans une eau si transparente auparavant. Jamais touché un sable aussi blanc. Ma seule contrainte fut de me tartiner de protection solaire ! Je suis Anglais. Roux/blond de surcroît. Trois minutes au soleil et je dois retourner fissa sous abri ! J’ai une photo compromettante où l’on me voit avec mes fesses bien blanches sous un parasol ! On dirait un cachet d’aspirine ! L’indice de ma protection solaire était au moins 500 !

 

L’année dernière à la même époque vous étiez sur le point de vous marier, aujourd’hui, vous allez fêter votre premier anniversaire de mariage, qu’est-ce que cette union a changé pour vous ? Est-ce que vous pensez avoir trouvé votre âme sœur ?

 Oui, j’en suis persuadé. Je connais Hannah depuis que nous sommes enfants, elle m’a vu dans toutes sortes de phases. Du plus haut au plus bas et à différents moments dans nos vies, et ce qui est merveilleux c’est que nous avons cette histoire commune, et elle m’aime malgré tout. Il y a une certaine paix qui vient du mariage, et jusqu’à présent c’est merveilleux.

 

Au fait, vous l’avez mis où votre Oscar ?

Sur ma table de chevet ! Je le touche chaque matin pour m’assurer qu’il est bien réel !

 

Réel, vous l’êtes bien en attendant. Ne changez surtout pas !

Merci mec ! Cela me touche.

 

Alicia Vikander et Eddie Redmayne
Alicia Vikander et Eddie Redmayne

 

 

Propos recueillis à Venise par Frank Rousseau, notre correspondant aux Etats Unis

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