Le Musée Maillol lève le voile sur les Grands Maîtres Naïfs

Avec sa nouvelle exposition, « Du Douanier Rousseau à Séraphine », Le Musée Maillol accueille, du 11 septembre 2019 au 19 janvier 2020, plus d’une centaine d’œuvres issues du monde passionnant, rêveur, insolite et inépuisable des artistes dits « naïfs ». Appelés « primitifs modernes » par l’un de leurs fervents défenseurs, le collectionneur et critique d’art Wilhelm Uhde, ces artistes renouvellent la peinture à leur manière, à l’écart des avant-gardes et des académismes. Réunies pour la première fois à Paris, leurs œuvres aux couleurs éclatantes livrent un pan souvent négligé de l’histoire de l’art de l’entre-deux guerres.

Sur les pas d’Henri Rousseau et de Séraphine Louis, l’exposition révèle une constellation d’artistes tels qu’André Bauchant, Camille Bombois, Ferdinand Desnos, Jean Ève, René Rimbert, Dominique Peyronnet et Louis Vivin.

Autodidactes, comme le Douanier Rousseau qui les précède, ils sont venus à l’art en secret ou sur le tard, mus par une vocation contrariée, une injonction divine ou par l’Histoire. Par nécessité, ils ont concilié leur pratique artistique avec une profession souvent modeste : cantonnier, employé de maison, lutteur de foire, imprimeur ou fonctionnaire des postes. S’ils ne se connaissent pas, certains exposent aux Salons, d’autres sont vus et soutenus par des amateurs influents. On trouve parmi ces derniers André Breton, Pablo Picasso, Vassily Kandinsky, Le Corbusier, Henri-Pierre Roché, Maximilien Gauthier, Wilhelm Uhde, Jeanne Bucher, Anatole Jakovsky et Dina Vierny, fondatrice du Musée Maillol.

Issue d’une famille juive de Bessarabie émigrée en France dans les années 1920, modèle de Maillol et de Matisse, résistante dès les débuts de la guerre, Dina Vierny découvre la peinture d’André Bauchant chez Jeanne Bucher pendant l’Occupation. Encouragée par la galeriste, la muse ouvre sa propre galerie en 1947, puis la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol, bien plus tard, en 1995. Elle y présente les artistes de son goût, parmi lesquels Vassily Kandinsky, Serge Poliakoff et Bauchant lui-même.

Après la guerre, une nouvelle rencontre joue un rôle décisif dans son parcours : celle d’Anne-Marie Uhde, qui lui cède la collection de son défunt frère Wilhelm. En organisant deux expositions mythiques, « Les Peintres du Cœur-Sacré » en 1928 et « Les Primitifs modernes » en 1932, Wilhelm Uhde a réuni pour la première fois des artistes qui s’ignoraient. Après la guerre, Dina Vierny est l’une des seules, avec Anatole Jakovsky, à poursuivre le travail de cet amateur de la première heure : l’exposition « Le Monde merveilleux des naïfs », présentée à la galerie en 1974, en témoigne. Près de cinquante ans après, le Musée Maillol rend hommage à ces artistes comme à ceux qui les ont défendus.

Rousseau, Bauchant, Bombois ( « Fillette à la poupée », 1925, huile sur toile,  en une, et reprise sur l’affiche de l’exposition ) , Desnos, Ève, Louis, Rimbert, Peyronnet et Vivin partagent un regard ébloui et un lyrisme détonnant. Bien qu’on ait pu les qualifier de réalistes, leurs œuvres montrent des espaces disjoints, des scènes troublantes, des images mentales où l’obsession du détail atteint souvent une dimension extravagante et même surréelle. Comme les peintres primitifs de la pré-Renaissance, ils inscrivent leurs figures dans des espaces à plusieurs plans sans appliquer strictement les règles de la perspective. Et à rebours des avant-gardes, ils perpétuent une certaine tradition picturale, parfois renouvelée avec humour, en se consacrant essentiellement à la peinture de genre : natures mortes, scènes domestiques, paysages et portraits de leurs proches.

Mais leur extraction modeste ne les isole pas de la modernité, ni même de la scène artistique. À l’exception de Rousseau, ils sont nés dans les dernières décennies du XIXe siècle et ont vécu l’accélération de l’ère industrielle et le choc de la Première Guerre mondiale. S’ils ne fréquentent pas les écoles ou les ateliers de maîtres reconnus, la reproduction mécanique alimente leur imaginaire visuel : presse, ouvrages illustrés, catalogues et cartes postales constituent un « monde en conserve » à leur entière disposition. Collages d’images mentales plutôt que représentations photographiques de la réalité, leurs œuvres ont bien souvent cet effet d’ « inquiétant familier » que les surréalistes, à la même époque, aspirent à exploiter. Chacun à sa manière, les artistes réunis au Musée Maillol créent un ensemble original, riche de sensations et de souvenirs associés aux détails du monde, et dont le pouvoir de séduction va bien au-delà du charme de la maladresse technique.

Deux lions à l’affût dans la jungle, 1909-1910, huile sur toile,  Henri Rousseau dit le Douanier Rousseau.
Après le bain, 1931, huile sur toile, Dominique Peyronnet.
Feuilles diaprées sur fond bleu, 1929, huile sur toile, Séraphine Louis.
Oiseaux exotiques, 1947, huile sur toile ( torchon de cuisine ), André Bauchant.
Le Douanier Rousseau montant vers la gloire et entrant dans la postérité, 1926, huile sur toile, René Rimbert.

L’exposition, à travers un parcours thématique, souligne les qualités picturales de ces artistes, va plus loin de l’anecdote biographique qui a longtemps constitué le seul commentaire disponible sur eux. Une sélection d’œuvres étonnantes et à contre-courant, issues d’importantes collections publiques (Musée d’Orsay, Musée de l’Orangerie, Musée Picasso, Centre Pompidou, LAM, Kunsthaus de Zurich, Kunsthalle de Hambourg) et collections privées françaises et internationales, révèle la grande inventivité formelle de chaque artiste, sans dissimuler les dialogues qu’ils entretiennent avec la tradition picturale comme avec la création de leur temps.

En croisant approches historique, analytique et sensible des œuvres et de leur présentation au monde, le Musée Maillol lèvera le voile sur la dimension subversive de l’art dit naïf et présentera ces naïfs, primitifs, modernes ou antimodernes, comme des grands artistes à contre-courant des avant-gardes.

Nous avons rencontré Àlex Susanna, écrivain, critique d’art et co-commissaire de l’exposition ( avec Jeanne-Baptiste Lacourt ) qui nous confie :

«  Cette exposition est surprenante car elle présente des artistes qui, exception faite de Rousseau et de Séraphine, sont tombés dans le puits de l’oubli. Je suis convaincu que cette exposition va séduire le public avide de découverte.

Elle interpelle le visiteur au sujet du tableau naïf. Est ce que ce sont vraiment des vrais naïfs ? Qu’est ce que l’art naïf ? Je suis persuadé que la plupart des tableaux ne sont pas du tout naïfs. C’est le terme qui finalement s’est imposé.

Au début des années 30, Wilhelm Uhde, le grand critique et collectionneur allemand les a qualifié de « primitifs modernes ». Beaucoup mieux, car cela les met en rapport avec les peintres de la pré-Renaissance qui n’inscrivaient pas leurs scènes, leurs personnages dans les lois de la perspective. C’est un des traits que partagent tous ces artistes.

Le Douanier Rousseau, le seul qui soit vraiment célèbre dans le monde entier, est comme un ange titulaire qui survole le reste des artistes « naïfs ». Les autres comme Bauchant, Bombois, Desnos, Ève, Louis, Rimbert, Peyronnet et Vivin .. personne ne se souvient d’eux. Et là vous allez les découvrir. Dans cette grande exposition qui compte 103 œuvres.  Parmi mes artistes préférés, Peyronnet, qui a seulement peint une trentaine de tableaux et l’on peut en voir ici presque la moitié. Ses marines sont surprenants. L’ouvre d’André Bauchant est incroyable.Et chez le Douanier Rousseau, ne manquez pas son autoportrait et le portrait de sa femme qui appartenaient à Picasso et étaient accrochés dans.. sa chambre !  »

Infos pratiques :

Musée Maillol, 61 rue de Grenelle, 
75007 Paris. 
Tél : +33(0)1 42 22 57 25.

Exposition « Du Douanier Rousseau à Séraphine- les Grands Maîtres Naïfs », 11 septembre 2019 – 19 janvier 2020
. Le musée est ouvert tous les jours en période d’exposition temporaire, de 10h30 à 18h30. Nocturne le vendredi jusqu’à 20h30.

Plein tarif : 13,5 € , Tarif réduit : 11,5 € , Jeune (7-25 ans) : 9,5 € .

Tarif famille : 40 € (pour 2 adultes et 2 enfants de 7 à 25 ans)

www.museemaillol.com

 

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