« Le rire & le sacré, bouffons rituels et folle sagesse » aux Galeries Zelkova

Le projet de cette exposition provient de ce fait surprenant pour un regard occidental d’une fréquente présence du rire, et de sa fonction essentielle, dans nombre de rituels et de « spectacles » fortement sacralisés en Asie. Peut-on mettre en relation ce rire, associé à des mascarades d’apparence souvent « carnavalesque » ou des spectacles de marionnettes que notre culture mettrait plutôt du côté du « profane », et celui des maîtres de la Folle Sagesse, une des plus hautes expressions des spiritualités d’Asie ?

 

Sans nier la spécificité de chacun de ces rires, tant la présence récurrente de personnages de maîtres spirituels dans les rituels comiques, que le fait que nombre de formes théâtrales se réclament de maîtres spirituels de la Folle Sagesse, ou encore qu’un bouffon théâtral tel que le Semar javanais soit aussi un dieu et un sage, peuvent induire ce lien.

 

 

Le Vidushaka du théâtre classique indien, parfois considéré comme le doyen et même parfois la source de tous les bouffons de l’Asie influencée par l’Inde, est déjà une figure associant ces deux rires que nous aurions tendance à dissocier, « Fou du roi » mais possédant de nombreux traits d’un Sâdhu.

Car Folle Sagesse et comique bouffon ne se rejoignent pas seulement par l’humour mais aussi par la teneur même de celui-ci, s’inscrivant souvent dans le corporel, le matériel, les aspects les plus aléatoires et contingents de la vie.

 

 

Non pour les dénigrer, mais au contraire parce que  le spirituel n’y est pas posé comme antithétique de ceux-ci mais comme entretenant des liens constants et nécessaires avec eux.

Ils sont considérés comme moyens d’accession à toute transcendance.

 

 

Le rire dans les rituels manifeste le lien essentiel entre « profane » et «sacré ».

Un comportement subvertissant les règles sociales conventionnelles, allant jusqu’à une apparente folie, accompagné parfois d’expériences d’états de conscience modifiée, est expression d’un accès à un au-delà des apparences et d’une écoute des rythmes du vivant, chez les  bouffons mythiques, du Semar javanais au bouffon rituel himalayen, comme chez les  « maîtres spirituels » que sont les Dalang (maîtres des marionnettes indonésiens), les Chamans ou encore les ermites taoïstes ou tantriques.

Suivre par une danse d’allure bouffonne le rythme irrégulier et apparemment incohérent de la vie, c’est faire d’elle un parcours spirituel, tant pour le bouffon sundanais Cepot que pour le fou divin du tantrisme tibétain Drukpa Kunley, ou encore pour  le bouffon « chamanique ».

 

 

Maîtres de la folle Sagesse comme bouffons rituels posent la nécessité d’un métissage entre les catégories et de l’intrusion de l’altérité comme sources du vivant mais aussi la dimension spirituelle de toute vie humaine.

C’est le caractère « grotesque » de ces objets transitionnels que sont le masque et la marionnette qui fonde leur sacralité en Asie. Parce qu’il fait signe qu’ils ne sont en aucun cas des « choses » imitant la vie, mais de la matière traversée par l’énergie, nécessairement convulsive et néanmoins d’origine divine, du vivant.

 

Une exposition magnifique, unique, qui a demandé un travail de recherche exceptionnel.

 

Exposition « Le rire & le sacré, Bouffons rituels et folle sagesse ». Himalaya, Indonésie, Chine.

Jusqu’au 26 octobre, du mardi au samedi, 14-19 h.

46 & 69 rue Galande, Paris 5è.

Tél : 01 43 54 98 61.

 

www.galerie-zelkova.fr

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