John Singer Sargent, l’artiste américain qui va vous éblouir au Musée d’Orsay

Object No. L2015.13.47 John Singer Sargent (American, born Italy, 1856–1925) A Gust of Wind (Judith Gautier), ca. 1883-85 Oil on canvas 24¾”H × 15”W 62.87 cm × 38.1 cm Image must be credited with the following collection and photo credit lines: Virginia Museum of Fine Arts, Richmond. James W. and Frances Gibson McGlothlin Collection Photo: Travis Fullerton © Virginia Museum of Fine Arts

Le musée d’Orsay frappe un grand coup en consacrant, pour la première fois en France, une exposition monographique à John Singer Sargent (Florence, 1856- Londres, 1925). Du 23 septembre 2025 au 26 janvier 2026, John Singer Sargent Éblouir Paris réunit près de 90 œuvres, dont 66 peintures, et dévoile la décennie où ce jeune prodige, encore inconnu, s’imposa à Paris avant de s’exiler à Londres. Une revanche tardive pour un artiste adulé aux États-Unis et en Angleterre, mais resté longtemps dans l’ombre en France.

Auteur inconnu John Singer Sargent, vers 1884 Boston, Museum of Fine Arts, John Singer Sargent Archive photo with permission from a private collector

Car Sargent fut, littéralement, un météore. Arrivé à dix-huit ans à l’atelier de Carolus-Duran, il absorbe tout avec une rapidité déconcertante. Son coup de pinceau est déjà celui d’un virtuose, ses compositions révèlent une audace presque insolente. L’écrivain Henry James parlait de « talent qui, au seuil de sa carrière, n’a déjà plus rien à apprendre ». En quelques années, il s’impose comme portraitiste des élites cosmopolites, capte la lumière et l’énergie d’une époque, et signe des toiles qui comptent parmi les plus étonnantes de la Belle Époque.

John Singer Sargent (1856-1925) Dans le jardin du Luxembourg, 1879/ Huile sur toile 65,7 x 92,4 cm/ Collection John G. Johnson Collection, 1917, The Philadelphia Museum of Art Photo © The Philadelphia Museum of Art

Puis vient le scandale de 1884. Son portrait de Virginie Gautreau, rebaptisé Madame X, déclenche une tempête morale au Salon. La bretelle glissant de l’épaule, le décolleté jugé trop audacieux, la pose provocante : tout choque. Sargent, meurtri, quitte Paris. Mais ce tableau, qu’il qualifiait lui-même de « meilleure chose qu’il ait jamais faite », est aujourd’hui considéré comme une icône, au même rang que les Filles d’Edward Darley Boit ou le Dr Pozzi chez lui.

Adolphe Giraudon. John Singer Sargent  dans son atelier avec le portrait de Madame X, vers 1884/ Tirage argentique à l’albumine, 20 × 26,4 cm / New York, The Metropolitan Museum of Art, achat, don du Judy Angelo Cowen Charitable Trust, 2022/ Photo © The Metropolitan Museum of Art, dist. GrandPalaisRmn / image Art Resource.
Affiche de l’Exposition au Musée d’Orsay

L’exposition d’Orsay a quelque chose de réparateur : elle restitue au public français la place qu’a tenue Paris dans la formation de cet artiste hors norme. Car derrière le portraitiste mondain, c’est un peintre voyageur, nourri d’Italie, d’Espagne, du Maroc, qui se révèle. Ses toiles vibrent de contrastes, de sensualité et d’éclats colorés. Sa technique, éblouissante de brio, lui permettait de rivaliser avec Velázquez tout en inventant un style résolument moderne. On ressort ébloui, comme le titre l’annonce.

Vue de l’Exposition au Musée d’Orsay. John Singer Sargent,  Les filles d’Edward Darley Boit, 1882.

Ébloui par le talent précoce d’un artiste qui, dès ses vingt ans, semblait manier les pinceaux comme un athlète d’élite manie son corps. Ébloui aussi par la diversité et la force des œuvres rassemblées, dont certaines n’avaient pas revu la France depuis leur création. Sargent, longtemps perçu comme un étranger brillant mais secondaire, retrouve ici la place qui lui revient : celle d’un peintre majeur, au carrefour de l’Europe et de l’Amérique, entre tradition et modernité.

John Singer Sargent. La Table sous la tonnelle, dit aussi Les Verres de vin, vers 1875/ Huile sur toile 45 × 37,5 cm/ Londres, The National Gallery, accepté par le gouvernement britannique en lieu et place de droits de succession, attribué à la National Gallery, Londres, 2018 Photo © The National Gallery, London
John Singer Sargent, Dans les Oliviers à Capri, 1878/ Huile sur toile 77.5 × 63.5 cm /Collection particulière © The Metropolitan Museum of Art, dist. GrandPalaisRmn / image Art Resource
John Singer Sargent Fumée d’ambre gris, 1880/  Huile sur toile 139,1 × 90,6 cm/
Williamstown (Massachusetts), Clark Art Institute Photo © Clark Art Institute, Williamstown

Au-delà de l’éblouissement esthétique, l’exposition interroge aussi notre regard contemporain : qu’est-ce qu’un portrait, sinon une manière de fixer la présence et la puissance d’un individu dans son époque ? Chez Sargent, les femmes, mécènes, amies ou modèles, occupent une place centrale : figures libres, sublimes ou dérangeantes, elles donnent à ses toiles une intensité qui résonne encore aujourd’hui. En redécouvrant ce maître cosmopolite, Paris ne célèbre pas seulement un virtuose oublié, elle se réconcilie avec une part de sa propre histoire artistique.

John Singer Sargent. Claude Monet peignant à la lisière d’un bois, vers 1885.  Huile sur toile
54 × 64,8 cm/ Londres, Tate, offert par Mlle Emily Sargent et Mme Ormond via le Art Fund, 1925 Photo © Tate

Exposition John Singer Sargent. Éblouir Paris, du 23 septembre 2025, au 11 janvier 2026.  Musée d’Orsay, Esplanade Valéry Giscard d’Estaing 75007 Paris. Tarifs : 16 € en ligne, 14 € sur place ; Tarif réduit : 13 € en ligne, 11 € sur place. 9h30/18 h. (jeudi jusqu’à 21:45). Fermé lundi.

Catalogue Expo : John Singer Sargent Éblouir Paris, sous la direction de Caroline Corbeau-Parsons et de Paul Perrin. 256 pages, français, coédition musée d’Orsay / Gallimard, 45 €.

www.musee-orsay.fr

Photo en une : John Singer Sargent. Un coup de vent (Judith Gautier), vers 1883-1885. Huile sur toile. 62,9 × 38,1 cm/  Richmond, Virginia Museum of Fine Arts, Collection James W. et Frances Gibson McGlothlin, L2015.13.47. © Virginia Museum of Fine Arts / Travis Fullerton

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