Saint-Germain-des-Prés a ses mythes, ses rituels et ses nuits qui ne ressemblent à aucune autre. Ce 13 novembre 2025, derrière la façade discrète du 15 rue Princesse, Castel rallumait la flamme de cet esprit germanopratin à l’occasion de la quatrième édition de son prix littéraire. Et c’est Vanessa Schneider qui, presque à l’unanimité, a décroché le Prix Castel 2025 pour La peau dure, publié chez Flammarion.
Un prix né pour célébrer l’esprit d’une conversation infinie
Cofondé en 2022 par Castel et Carole Chrétiennot, le Prix Castel n’est pas un prix littéraire comme les autres. On y distingue un roman dont l’auteur, ou l’autrice, aurait trouvé sa place à la table de Jean Castel, ce maître de l’art de recevoir qui transforma son établissement en laboratoire de liberté, de style, d’humour et d’élégante irrévérence.
Ici, on ne récompense ni la fête ni la nuit, mais une écriture vivante, vibrante, habitée par une vitalité singulière : celle qui, aujourd’hui encore, aurait permis d’entrer comme naturellement dans la conversation.
Une sélection d’envergure

Composé d’ Emma Becker, Claire Berest, Vincent Darré, Étienne Gernelle, Eva Ionesco, Marc Lambron, Justine Lévy, Jean-Noël Pancrazi, Abnousse Shalmani et Gaël Tchakaloff, le jury devait départager cinq titres de la seconde sélection : Yann dans la nuit, Julie Brafman (Flammarion); Combustions, François Gagey (Albin Michel); Feux sacrés, Cécile Guilbert (Grasset); La peau dure, Vanessa Schneider (Flammarion) et Vingt ans, Karine Silla (L’Observatoire).
Le choix s’est imposé presque d’une seule voix : La peau dure, texte incandescent dans lequel Vanessa Schneider rend un hommage bouleversant à son père disparu.

Tout part d’une pochette retrouvée après la mort de Michel Schneider. Sur le carton, une dédicace : « Pour Vanessa ». À l’intérieur, un roman de Sándor Márai, Ce que j’ai voulu taire. Faut-il y voir un message ? Une invitation à revisiter les silences d’un père pourtant si loquace en apparence ?
Avec une justesse remarquable, Vanessa Schneider remonte les pistes, revisite l’enfance de fils illégitime de son père, son engagement politique, leur relation tendre et orageuse. Dans ce portrait intime, elle esquisse aussi celui d’une génération d’hommes nés sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, libres, brillants, mais parfois redoutablement égoïstes.

Le jury a salué un texte de lumière et d’âpreté, écrit « avec esprit, panache et le sourire », digne de la table de Jean Castel. « Vive les mots, les livres, la littérature ! Ce prix donne à ma peau dure l’élan de continuer sa route à travers les âmes et les cœurs. Je pense à mon père, à tous les pères et à leurs filles, à ceux qui savent que l’amour ne va pas sans âpreté », Vanessa Schneider. Journaliste, essayiste et romancière, elle est aujourd’hui, grand reporter au Monde. Elle a publié plusieurs essais et six romans parmi lesquels Tu t’appelais Maria Schneider en 2018 (Grasset), traduit en plusieurs langues et adapté au cinéma en 2024.
Les honneurs du Castel

En plus d’une dotation de 5 000 €, Vanessa Schneider reçoit une carte de membre de Castel, un sésame ouvrant les portes du mythique lieu ( bar, restaurant, club) pour elle et la personne de son choix pendant une année entière. Une plaque gravée à son nom a rejoint la bibliothèque de Castel, aux côtés des précédents lauréats : Catherine Millet (2022), Commencements ( Flammarion) ; Arthur Dreyfus (2023), La Troisième Main( P.O.L.) et Grégoire Bouillier (2024), Le syndrome de l’Orangerie ( Flammarion).
Une soirée comme Saint-Germain les aime






Écrivains, éditeurs, journalistes, amis du lieu et habitués de longue date avaient répondu présents. L’ambiance, à la fois joyeuse, brillante et légèrement irrévérencieuse, aurait sans doute enchanté Jean Castel lui-même.
Comme souvent entre ces murs où la conversation ne s’interrompt jamais vraiment, la soirée s’est prolongée… presque jusqu’au petit matin.
Castel, 15 rue Princesse, Paris 6ᵉ. + 33 1 40 51 52 80. www.castel.paris
